Dans cette page, il y a un élément qui commence par la lettre B. Phonétiquement, je sais ce que c’est, la lettre B. A l’écrit, je n’ai aucune idée d’à quoi elle ressemble. Alors, je me base sur l’image, que je parcours du regard, me penchant un peu plus sur le livre de contes. Sur une page, il y a un texte, qui n’est pour moi rien d’autre que du charabia, et de l’autre, une belle illustration d’un port. Il y a du monde, et je devine même un marché. Une vieille femme porte un panier sur son épaule, un panier rempli de pommes. Je me décide à me focaliser uniquement sur les plus gros éléments du dessin, les plus voyants. Il y a un port, donc. Un bout de ville. Des quais. La mer. Le ciel. Des bateaux. Oui, des bateaux ! Ravie, telle une jeune adulte pas tout à fait sortie de l’enfance, ce que je suis, puisque je n’ai que 25 ans, et que la vie d’une falarielle s’étend jusqu’à 250ans, je pose mon doigt sur l’un des bateaux et je me tourne vers la reine :

« Les bateaux ! C’est ça qui commence par un B ! »

La reine Kuuki était une personne sincèrement bonne. Elle avait reprit le trône de son père depuis peu, mais avait déjà effectué des changements importants au royaume. Et, plus encore, elle faisait preuve d’une extrême bonté envers moi. Servante analphabète nouvellement arrivée, elle a décidée de me prendre comme dame de compagnie et de m’instruire. L’instruction. Ca peut paraître idiot, mais je n’en ai jamais eu. Mes parents étaient trop pauvres, et peu souvent là, pour essayer de gagner plus que leur misérable salaire. Mais ils m’ont donné tant d’amour ! Mon enfance a été une époque heureuse, et même si je regrette de ne pas avoir eu de professeur, je sais que j’en ai désormais trouvé une. Et la meilleure qui soit. Mais je ne dois pas perdre de vue que je suis avant tout une servante. Je dois m’occuper de la reine en priorité, même si je savoure ce temps où elle m’apprend l’alphabet. Je vais m’entraîner. Elle sera fière de moi. Elle n’aura pas l’impression de perdre son temps avec moi, même si je tremble un peu devant l’étendu de mon ignorance, et la montagne que je dois gravir pour la rejoindre dans le savoir.