Entre Jasmin et Lilas

Entre Jasmin et Lilas

"Allez sors un peu de ta grotte, viens profiter du soleil !"

Je grogne, du haut de ma petite dizaine d’années. Comment les gens pouvaient-ils aimer se faire dorer au soleil, dorer que dis-je, se laisser rôtir sous les rayons ardents que dardait sur les êtres vivants cette étoile trop présente. Je lève un œil de l'ouvrage sur lequel j’étais penchée, un roman historique charmant sur fond de réalité portant sur les sombres secrets du royaume des longues oreilles. Mon impudent frère, responsable de cette infâme interruption m’adresse un large sourire depuis la porte ouverte de la bibliothèque, avant de disparaître, certainement pour galoper en direction des jardins. Je soupire, sachant très bien que si je ne présentais pas le bout de mon nez dans les espaces verts sous peu, j'aurais une visite plus adulte et nettement moins amicale, sans doute chargée d’une série de remontrances dont je me passerais largement. Je prends le temps de placer mon marque page, une fleur de pivoine séchée et appliquée sur une feuille légèrement épaisse et jaune, avant de fermer mon livre. Je quitte le confort des coussins qui m'accueillait jusque-là, laissant à regret la douce chaleur du velours. Je lisse la jupe de ma tenue, salue les domestiques en poste dans ce lieu de savoir et sors de la pièce avec l'élégance d’une jeune fille de bonne famille. Je prends le chemin des extérieurs du palais, verdoyant et fleuris en cette saison printanière.

J’arrive sur l’herbe, le livre à la main et mes yeux ambrés plissés par l’agressivité de la lumière solaire. Une fois habituée, je constate la présence imposante d’une masse noire bien connu, positionnée en travers du chemin de calcaire. Je souris, m’approche doucement mais sans cacher ma présence, arrivée devant le large museau du dragon, je m’incline en une révérence respectueuse, le sourire toujours aux lèvres;

" Bonjour Nounou !"

J'esquisse un regard malin en direction du reptile avant de me détourner, sachant pertinemment que je n'échapperai pas au souffle chaud et agacé du lié de maman. Des rires attirent mon attention, légèrement plus loin, sur un espace de pelouse vierge de plantations. Nyx et Gabriel s’adonnent à leur passe-temps favori, un duel à l’épée. Épée si fragile que même un bambin pourrait les briser, preuve en est de l’amas de morceaux de bois qui commence à devenir imposant à côté de leur zone de combat.

Après un regard alentour, je jette mon dévolu sur un arbre à l’écorce blanchie qui attire l'œil, mais dont le feuillage crée une zone d’ombrage parfaite pour s’adonner à la lecture en plein air. Je regrette un instant l’absence d’une couverture afin de ne pas tacher ma robe violine, mais m’installe tout de même, bien décidée à finir mon histoire.

(c) miss pie

Entre Jasmin et Lilas

Le soleil glissait doucement vers son zénith lorsque Livanfell levait enfin les yeux de son ouvrage. Dardant son regard hazel sur les grandes fenêtres donnant sur le jardin, il constatait, avec un sourire contrit, qu'il venait de passer plusieurs heures sur ses travaux de recherches. Depuis de nombreuses années maintenant il était au service de l'empire, profitant de leurs ressources en échange de son savoir linguistique; il était maintenant rôdé à ses journées languides, oscillant entre la bibliothèque, les archives et les salons d'études afin de décrypter peu à peu des bribes d'informations ressurgissant de la langue ancienne. Cette routine, implacable et bien huilée était cependant, depuis quelques mois, quelque peu dérangée par une nouvelle tâche qu'il n'avait pas vu venir et pour laquelle il avait failli refuser avant que l'émissaire royal ne lui rappelle qu'il... n'avait pas le choix...

Se redressant sur son siège, le professeur s'étirait félinement, laissant résonner dans la pièce quelques craquements secs qui réveillaient son corps endolori. C'est alors que, lové contre son cou pour sa sieste quotidienne, un fin serpent aux écailles opalines et aux yeux de grenat faisait vibrer sa langue près de son oreille. « Ssssserait-ccccce l'heure de ton cours particulier ? » Haussant un sourcil, l'intéressé s'empressa de fixer son regard sur la grande horloge qui trônait fièrement et silencieusement au centre de la pièce, visible de toute part grâce à son quatre quadrants donnant chacun vers un point cardinal, il était impossible de s'échapper au temps, à moins que celui-ci nous ait fait plonger au cœur de ses abysses... Mais ce n'était pas le cas pour Liv' aujourd'hui, qui avait même réussi l'exploit de s'échapper des profondeurs scientifiques avec plus d'une heure d'avance sur sa prochaine entrevue. « Pas encore Nouille, allons profiter du beau temps en attendant, je te dois bien ça. » Et le reptile émit un sifflement de contentement tandis qu'ils quittaient tout deux la pièce, emportant avec eux, malgré tout, un recueil de lecture et une tiretaine.

En arrivant dans les jardins baignés d'une chaleur délicieuse, le duo remarqua immédiatement que leur endroit habituel était entrain de bouillonné de vie et de vivacité, puisqu'ils aperçurent le prince Gabriel et la princesse Nyx s'adonner à une féroce compétition de broiement d'épée en bois. « Le sssssculpteur sssssera content quand il verra ççççça. » Acquiesçant d'un hochement de tête, le professeur dépassait les deux enfants et inclina respectueusement le buste devant le dragon de sa Majesté Aiko qui bâtit lentement des paupières à son encontre. « Psssss amateur ! » Persiffla à voix plus que basse le sac d'écailles niché dans son col et il eut du mal à se retenir de rire. Depuis qu'il avait sauvé l'animal d'un trafic, alors qu'il était encore dans son œuf, Livanfell avait eut la joie de voir venir au monde cet être hors du commun; Feiphodulth, La Blanche (affectueusement surnommée Feiph et surtout, Nouille) et de découvrir qu'elle était une exodial; elle ne l'avait jamais quitté alors même que plusieurs fois, il lui avait proposé de s'émanciper; mais la petite bête, bien trop douillette, ne souhaitait pour rien au monde quitter le giron paternel de celui à qui elle devait une vie aussi sereine. « Tenez vous mademoiselle, où je vous couds cette langue fourchue bien trop pendue. » Vexée, l'accusée s'enroula profondément autour du cou de son porteur dans un chuintement strident de dégout et de désapprobation. Si elle savait qu'il ne lui ferait jamais rien, elle n'était pas ravie d'imaginer ce qui pourrait peut-être bien un jour lui arrivé si elle continuait à se montrer aussi désobligeante envers Tescanda.

S'approchant d'un pas lent d'un arbre à l'écorce claire et au feuillage dense et fourni, il découvrit au pied de celui-ci la silhouette de sa jeune élève, la princesse Laïna, elle aussi un livre au creux de ses petites mains d'enfant mais les prunelles emplies de désarroi. Il remarquait alors sa gestuelle indisposée, comme si quelque chose la gênait et en quelques enjambées, il arrivait à sa hauteur en s'inclinant profondément devant elle. « Bonjour votre Altesse, c'est un plaisir de vous voir dehors par ce temps radieux; mais vous semblez confuse, tout va bien ? » Ajoutait-il en lui tendant la main.

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○ Laïna & Livanfell

Décidément le sol n’avait rien de confortable ; Si encore, l’herbe avait pu amortir la dureté de la terre cela aurait atténuer l’engourdissement de mon séant. Mais bien évidement le feuillage si parfait comme ombrage, empêchait tellement bien les rayons solaire de passer que même les petits brins d’herbes vertes et grasses n’arrivaient pas à croître. Le sol au pied de cet arbre était donc bien nus, a mon grand regret.
J’hésitais un instant à changer de lieu mais un coup d’œil alentour m’en dissuada, c’était le seul endroit assez vaste pour que je soit à l’aise. Je poussais un soupir en continuant de gesticuler, sans penser une seule seconde à la posture gracieuse qu’une princesse ce doit d’avoir en toute circonstance, et essayant de trouver une position confortable. J’aurais apprécié que l’un des duellistes remarque mon malaise, mais ils étaient bien trop pris par leurs coups d’épées pour remarquer la petite sœur. Je doutais même qu’ils ai remarqué ma simple présence. Mais tant pis, je n’avais aucunes envie de retourner dans la fraîcheur des rayonnages bibliothécaires maintenant que la chaleur extérieur avait rehausser ma température.
Toute à mon occupation de trouver une position confortable sans lâcher mon livre, je n’ai presque pas entendu l’homme à la chevelure verte s’approcher. Lorsque je perçois ses pas, il est trop tard pour me redonner une contenance princière. J’arrête néanmoins les mouvements trop amples et taches de faire bonne impression. Il me tends une main secourable, que j’accepte bien volontiers. Alors qu’il m’aide à me relever, j’aperçois dans ses affaires ce qui ressemble à un tissus de basses factures, absolument parfait pour être étalé dans l’herbe, peut être même était-ce le but de cet objet… Je ne prends pas le temps de réfléchir et me lance.

« Bien le bonjour Professeur, ma présence est du à l’insistance des duellistes… »

Je lance mon regard en direction de mon frère et ma sœur, il m’avait semblait ne plus entendre le claquement du bois, mais peut être avais-je rêver… Peut-être avais-je simplement pris mes envies pour la réalité. Je retourne mon attention vers mon professeur, puis pose le regard sur le sol avant de répondre.

« Je suis confuse que vous m’ayez surprise ainsi, j’ai omis de prendre la couverture qui me sert habituellement. Et le sol n’est hélas pas des plus confortable sans le coussin herbeux. »

Je lui adresse un sourire penaud, espérant secrètement qu’il me propose de partager ce que j’espère fortement être un genre de couverture.

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La jeune princesse glissa délicatement ses doigts dans la main tendue de son professeur, aussi, il l’attira doucement à lui pour l’aider à se remettre sur pieds. Elle époussetait machinalement les pans de son jupon lorsqu’elle lui adressa finalement la parole, à la fois hâtive et légèrement gênée. « Bien le bonjour Professeur, ma présence est dû à l’insistance des duellistes… » Et Livanfell suivit son regard qui se posa sur les silhouettes à présent immobiles des autres triplets princiers, à peine mû par l’appel de la soif qui faisait lever leur bras tremblant, tenant une gourde avec avidité, vers leur bouche sèche. « Je suis confuse que vous m’ayez surprise ainsi, j’ai omis de prendre la couverture qui me sert habituellement. Et le sol n’est hélas pas des plus confortable sans le coussin herbeux. » Un léger rictus étira les lèvres pâles du vampire tandis qu’il reportait son attention sur sa jeune protégée qui dardait à présent sur lui ses prunelles aux reflets d’ambre et d’or liquide, à la fois emplies d’innocence et aussi stupéfiantes que celle de son géniteur ; mais si ce dernier laissait bruler en elles une flamme glaçante, il n’y avait chez cette enfant que douceur et exaltation.

Quelques secondes à peine s’écoulèrent avant qu’il ne daigne répondre à la petite princesse que la reptile lovée contre lui ressortait de son col pour venir goûter l’odeur de l’invitée, faisant tressaillir sa langue bifide en sa direction avant de s’allonger vers elle et de se redresser quelques peu. « Princccccessssse, ccc’est un plaisssssir de vous revoir. » persiffla Feiph, ses yeux de rubis fixant la jeune fille. « Bien évidemment que nous partagerons avec vous notre morçççççeau de tisssssu ; n’essssst-ccccce pas, LLLIIIVVV’… » Et sans lui accorder un regard, l’accusé s’empressa d’exécuter l’ordre implicite de l’exodial, recouvrant le sol de son surcot.

Si l’animale n’avait jamais réussi à se départir de son zézaiement, dû à sa langue fendue et fourchue, elle avait en revanche très rapidement saisi l’utilité d’insuffler différentes tonalités à sa voix suraiguë afin de faire très « subtilement » comprendre à son entourage, qui se résumait bien trop souvent à la seule personne de Livanfell, ce qu’elle souhaitait ; elle n’en demeurait pas moins extrêmement avenante avec les rares autres personnes à qui elle s’autorisait à adresser la parole.

D’un mouvement souple, le précepteur s’installa sur une extrémité du drap, indiquant d’un geste gracile à son élève de prendre place à ses côtés. « Si vous me permettez. » Attendant que la jeune fille s’installe à son aise, il en profita pour retrouver la page de son ouvrage en cours de lecture, faisant courir son doigt sur les fines lignes noires jusqu’à l’instant même où sa pause précédente l’avait interrompue. « Et vous, Votre Altesse, que lisez-vous en cette journée ensoleillée ? J’imagine que vous n’êtes pas ici de votre plein gré, vous connaissant. » Sans relever les yeux de sa page, il laissa les coins de ses lèvres se relever en un sourire subtil. Il n’avait pas la douce Laïna en étude depuis très longtemps, mais déjà il connaissait quelques petits détails de sa personnalité ; aussi, cette excursion champêtre n’était probablement pas du tout de son fait.

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○ Laïna & Livanfell

J’aperçois un sourire sur le visage de mon professeur, et cela procure à mes joues une sensation de chaleur, bien qu’habituel depuis qu’il avait pris le poste, je ne m’expliquais toujours pas cette réaction. J’avais également tendance à perdre mes mots face à ce sourire si élégant. Ainsi perdue dans mes sensations, je ne me rendit même pas compte qu’un ruban blanc écailleux avec deux yeux rouges était sortis du col de mon précepteur. Aussi quand l’exodial s’exprima je sursauta légèrement. Il me fallut une demi seconde pour comprendre ce qu’elle me disait, passer au travers de l’accent sifflant de l’animal n’était pas toujours chose facile. Mais je fus plus que ravie de la proposition et lui offrit un large sourire. Je fis un pas en arrière alors que Livenfel placé le tissus sur la terre ombragée.
Parfaitement absorbée par la contemplation de la lumière solaire traversant le feuillage qui nous surplombait je n’avais pas fait attention que l’opération de protection du sol était terminée. Aussi lorsque l’on m’invita, j’eus de nouveau, un mouvement peu gracieux. J’entendais déjà maman et les domestiques me sermonner durant des minutes entière sur la nécessité de tenir son rang. Je m’installa sur le tissu que Feith avait acceptée de partager avec moi, non loin du vampire mais assez éloignée pour ne pas nous gêner mutuellement. Une fois installée, et avant d’avoir eu le temps de reprendre ma lecture, je fus questionnée. La surprise passée, j’assouvis avec plaisir la curiosité de mon professeur.

« C’est un roman historique Professeur, il se déroule sur les terres de Veynard il y a bien longtemps. »

Je prends le temps d’ouvrir le fameux livre, mettant mon marque page à fleur de pivoine sur la troisième de couverture afin de ne pas le perdre.

« Comme je vous le disais, je suis sortis à le demande de Gabriel, mais ils sont bien trop occupés à jouter pour remarquer ma présence ! »

Je me rends bien compte que ces pensées non sont pas dignes d’une petite sœur et encore moins d’une princesse, mais j’étais assez vexée d’avoir dut interrompre ma lecture pour sortir alors même qu’ils n’en avaient rien à faire. Je plonge dans ma lecture à mon tour, essayant de ne pas écouter la curiosité de mon cœur qui me susurrait de détourner le regard vers le visage et les cheveux verdoyant de mon mentor.

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